De plus en plus pratiqué, il s’est imposé à de nombreux acteurs des sphères économiques et politiques, mais aussi sociales, associatives, sociétales, et s’y est forgé une légitimité. Il est désormais mieux compris de ces acteurs, qu’ils soient eux-mêmes émetteurs ou destinataires de messages.
Certes, cette légitimité n’est pour autant pas la même à Washington qu’à Bruxelles, et a fortiori à Paris, où la timidité dans l’adhésion est de bon ton et où la législation en la matière est absente.
L’enjeu est que les entreprises, les organisations professionnelles ou les associations s’organisent pour être écoutées et entendues de leur environnement.
Qu’est-ce que le lobbying ?
Comme pratique de l’influence auprès des décideurs publics, le lobbying tire son origine du terme anglais lobby, couloir ou antichambre du Parlement britannique où le lobbyiste attend la sortie des détenteurs de pouvoirs que sont les députés de la Chambre des Communes. De fait, le lobbying est une pratique d’échanges d’informations dont l’auteur attend une prise en compte.
Si d’aucuns se font une religion de diaboliser le lobbying, plus nombreux sont ceux pour qui le lobbying participe de la médiation des intérêts, du pluralisme des opinions.
Au nom de qui ou de quoi devrait-on exclure systématiquement la défense et la promotion de toute représentation d’intérêts privés au seul profit de l’intérêt général qui, lui, est porté au pinacle de la vertu ? Eux aussi peuvent avoir leur légitimité ! L’Etat n’a pas, n’a plus l’exclusivité de l’intérêt général, alors que l’économie se globalise, que les politiques s’européanisent, voire se mondialisent, que les enjeux se complexifient et que surgissent de nouveaux acteurs non étatiques prêts à tenter d’imposer leur loi. Difficile dans ces conditions de ne pas admettre que puisse émerger, se créer, se développer un dialogue entre l’Etat et la société civile ou la société marchande, parfois par l’intermédiaire d’acteurs spécialisés.
Rien n’interdit de s’interroger sur la légitimité de ces acteurs à jouer un rôle dans les processus de décisions, notamment politiques, pour in fine admettre qu’ils améliorent à la fois l’efficacité de ces processus et, au-delà, les décisions elles-mêmes et la participation citoyenne. Son acceptation sociale s’en trouve amplifiée, d’autant qu’il s’inscrit dans un mouvement de besoin de consensus, de compromis, et ce alors même qu’il se construit sur le mode compétitif et concurrentiel.
Moyen d’assurer l’expression des différents intérêts particuliers, et non le succès d’intérêts catégoriels dans leur plus exécrable acceptation, le lobbying n’a pas pour objectif la manipulation, mais l’information. Serait-ce trop beau pour être vrai ? Il ne faut certes pas tomber dans l’angélisme, et tout citoyen peut s’interroger sur la concurrence entre intérêt général et intérêts particuliers, mais il est légitime que l’information nécessaire à la prise de décision émane des acteurs concernés, privés ou issus de la société civile. Assurément, le lobbying s’inscrit dans le cadre de la libre circulation de l’information.
Multiple en termes d’acteurs, de cibles, de méthodes (certaines blanches, grises et même noires), de thématiques, le métier de lobbyiste est un métier d’information et de transparence, comparable à celui de « consultant en affaires publiques ». Utilisant au quotidien le lobbying interne, caractérisé par des contacts directs (discussions informelles, réunions en tête-à-tête, échanges de mails…) et le lobbying externe, tourné vers des stratégies utilisant d’autres acteurs (recours aux médias, pétitions, auditions, colloques, clubs…), s’engageant dans des actions aussi bien souterraines que publiques qu’en réponse à toutes les nécessités, le lobbyiste contribue au recueil de points de vue équilibrés et participe à un débat éclairé pour une efficacité accrue et une prise de décision informée.
Il se distingue par son aptitude à organiser sa représentation auprès des décideurs pour amener au premier plan son argumentaire et l’emporter du point de vue décisionnel.
Qui est concerné par le lobbying ?
Trop souvent, le lobbying se résume encore en France à une assimilation négative aux groupes de pression, entités organisées qui cherchent à influencer, appréciation qu’il faudrait moduler par l’apport de la notion de groupes d’intérêts, vus comme des « entités qui cherchent à représenter et à promouvoir les intérêts d’un secteur spécifique de la société ».
Les solliciteurs de lobbying sont multiples, entreprises ou fédérations d’entreprises au premier chef, mais aussi et de plus en plus les institutions publiques, villes, pays, institutions internationales, et les acteurs de la société civile, associations, syndicats, organisations non gouvernementales, tous porteurs potentiels de messages à faire passer.
Nombre d’acteurs peuvent éprouver le besoin de faire appel à des connaissances expertes et contradictoires, notamment dans les cas d’urgence. La pluralité des expertises et des points de vue peut contribuer à apporter des éclairages pour une meilleure compréhension des dossiers et ainsi éviter de graves altérations dans le traitement de dossiers et dans la confiance envers les décideurs.
Pourquoi s’adresser à un lobbyiste ?
Faire appel aux services du lobbying n’est guère imaginable sans espoir d’obtenir quelque chose en échange, en l’occurrence de l’influence, voire une part d’influence… La palette des raisons est extrêmement riche. Les intérêts des acteurs économiques doivent être entendus des décideurs, au même titre que ceux de la société civile.
L’un des premiers éléments à prendre en compte pour accepter de s’impliquer dans une opération de lobbying est d’admettre que le monde actuel ne peut s’accommoder de l’à-peu-près. Un objectif est assigné et tout doit être conduit pour y parvenir. C’est aujourd’hui le moindre des engagements comme réponse à la complexité et à la technicité des dossiers, à la multiplication des instances et des modes de décisions.
De plus en plus perçus comme acteurs participant au processus démocratique, les lobbyistes sont des points de passage de plus en plus obligés, des points de relais indispensables à la définition, l’avancement, à la concrétisation, au suivi et à la perfection de dossiers complexes, enrichissant la vie de la Polis.
On peut s’adresser à un lobbyiste pour :
- défendre et promouvoir son point de vue de façon efficace, de façon à ce que chacun puisse avoir l’opportunité de se faire entendre
- gérer les crises et, mieux encore, les anticiper
- avoir accès à un maximum d’acteurs décideurs de façon organisée et ainsi profiter des contacts étroits et réguliers engagés par son prestataire lobbyiste au travers de clubs, de lettres d’information, de blogs qu’il aura su mettre en place, conçus comme autant de lieux de proximité où s’exprimer
- profiter de la technicité des moyens dont le lobbyiste dispose et de sa capacité à imaginer des montages associant toutes sortes de techniques de droit, de communication…
- convaincre de la légitimité de son argumentation, voire de ses revendications
- être au cœur des réseaux qui trouvent leur opérationnalité par l’intégration d’intelligence économique et stratégique (recherche, traitement et diffusion de l’information) et d’influence (relations presse, relations publiques, relations institutionnelles)
- ne pas laisser aux seules multinationales et autres acteurs d’importance l’exclusivité de l’influence, et contrebalancer les intérêts en place les mieux organisés
- alimenter en connaissances et en expertises spécifiques les décideurs via des argumentaires, rapports, études, sondages d’opinion, colloques et même des propositions de loi ou des amendements clefs en mains
Comment choisir son lobbyiste ?
Nul ne peut être bon en tout. Sachant que seul le dossier le plus convainquant l’emportera, mieux vaut bien cerner ses besoins, ses attentes et faire appel à la bonne personne.
Le métier de lobbyiste requiert un minimum de savoir-faire, un carnet d’adresses et une maîtrise des enjeux en cause, jusqu’à la capacité de participer à l’élaboration de compromis issus de la multiplicité des intérêts individuels.
Professionnel des relations publiques, rompu aux techniques de négociation et de communication, il a ses entrées dans les centres de décision.
Il dispose de moyens de contacts formels (groupe de travail, espaces de contacts, réseaux sociaux…) et informels (clubs, dîner-débat…) pour créer des relations de confiance, assister, conseiller, distiller l’information à bon escient, décrocher les rendez-vous opportuns. Ces moyens doivent être aussi durables et stables que possible.
Dans un monde où les sujets ne cessent de se complexifier, il importe de se mettre en quête d’acteurs impliqués dans des approches méthodologiques et à même de réaliser une analyse pertinente en fonction des enjeux présents et futurs. Décrypter les stratégies d’influence mises en œuvre grâce à un management de l’information efficace et un suivi des dossiers impliquant de nombreux acteurs : voilà toute la difficulté et l’intérêt du lobbying.
Thomas Legrain
Associé gérant de Thomas Legrain Conseil
www.thomas-legrain-conseil.com
www.networking-business-club.com
www.legrain2sel.com
Réactions
(par Jean-François MOREAU)
Lorsqu'une cause est juste et légitime car elle est destinée non à promouvoir une réaction rétrograde mais une évolution heureusement "disruptive" (cf. Clay Christensen), les moyens financiers peuvent manquer pour payer la note d'un lobbyist. Il faut alors beaucoup croîre à la valeur superlative de ce que l'on défend et se débrouiller avec Internet et maîtriser son sujet avec une expression médiatique appropriée aux publics qu'il faut sensibiliser. C'est ce qui m'est arrivé pour défendre victorieusement la cause du Musée de l'AP-HP. Le Who's Who m'a aidé grâce à une page comme ici la vôtre. Le problème maintenant est d'obtenir que les "réac" ne sabotent pas le fabuleux projet de nouvel Hôtel-Dieu qui pourra redonner à la France une voix puissante dans le débat mondial sur ce que signifie la SANTÉ au XXIe siècle. Comment obtenir des médias une mobilisation de la population pour se réapproprier l'histoire millénaire de sa lutte contre la misère quand l'ADAMAP n'a pas d'argent? JF MOREAU.