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La Brigade de sapeurs pompiers de Paris, une « entreprise » pas comme les autres

La Brigade de sapeurs pompiers de Paris,  une « entreprise » pas comme les autres


Avec ses 8 550 sapeurs-pompiers militaires, ses 80 bases opérationnelles sur la plaque parisienne, à Kourou et à Biscarrosse, la BSPP n'est définitivement pas une grande entreprise du tertiaire comme les autres.

 

Une entreprise est une unité institutionnelle, mue par un projet décliné en stratégie et/ou en politiques et plans d'actions, dans le but de produire et de fournir des biens ou des services à destination d'un ensemble de clients ou usagers.



La BSPP répond à ces critères puisque à partir d'un schéma directeur 2020, elle construit des plans d'actions structurels validés par le préfet de police. Le schéma directeur 2020 nous permet d’embrasser la perspective du Grand Paris, ou Paris Métropole. Ces plans d'actions quinquennaux successifs ont pour point de départ l'actualisation des risques et des menaces que nous avons à couvrir. Cette actualisation, qui intervient formellement tous les cinq ans, prend la forme d'un schéma interdépartemental d'analyse et de couverture des risques, ou SIDACR, signé par le préfet de Police et validé par les élus des 123 communes défendues, de la ville de Paris et des trois départements.

Il s’agit bien de fournir des services, en l’occurrence la protection des biens et des personnes sur un secteur opérationnel couvrant Paris et les trois départements de la petite couronne, soient 12 millions de personnes et plus les 24 millions de touristes ou provinciaux visitant Paris chaque année. Ces personnes sont des usagers, ou consommateurs de services qu’ils financent par leurs impôts. Nous ne pouvons parler de clients, car celui-ci n'a pas le choix du fournisseur. Quoique… En effet si la BSPP assure 86 % du secours à personne sur la plaque parisienne, c'est surtout parce que les autres acteurs, médecins et infirmiers libéraux, SAMU, Ambulances privés, considèrent comme non rentable et valorisante cette activité.

Première année de mise en œuvre du plan d'action structurel de la brigade 2011-2015, l'année 2012 est marquée par la montée en puissance du nouveau centre opérationnel de la Brigade, par la mise en place concomitante des procédures opérationnelles nouvelles et par l'adaptation de la ressource humaine dédiée.

 

Ces dispositions se sont traduites par une augmentation sans précédent de la qualité de service rendu aux usagers, d’une part, et par une pression opérationnelle contenue exercée sur les unités chargées de la réponse opérationnelle, d’autre part.

Le Centre de Traitement de l'alerte (CTA) 18/112 répond ainsi chaque jour à 1000 demandes de secours supplémentaire, soit une augmentation de sa capacité de prise d'appel de 20 % qui porte le nombre d'appels journaliers à une moyenne située entre 6 et 7000.

 

Bien que le nombre d’appels progresse, avec 490 000 interventions effectuées dans l’année écoulée, le nombre des interventions a connu une très légère baisse de 2,26 % au lieu de la hausse de 2 à 3 % traditionnellement attendue. Cela démontre la pertinence des nouvelles mesures prises en application du plan d'action 2011-2015. C'est bien la progression du taux de tri des appels qui est passée de 3 (avant la mise en service du nouveau CO) à 4 (une intervention pour quatre appels) qui évite l'explosion du nombre d'interventions.

 

 

De nombreuses interventions marquantes ont été conduites avec succès :

 

  • Dans le cadre du secours à victimes 370 000 personnes ont été secourues dont 20 000 ont été sauvées d’une mort certaine ;
  • 153 personnes ont été sauvées sur feux par l’action des sapeurs-pompiers au péril de leur vie et 275 ont été mises en sécurité lors des 14 500 feux traités ;
  • Mais près de 40 personnes ont encore trouvé la mort dans un incendie. La mise en place des détecteurs-avertisseurs  automatiques de fumée dans les locaux d’habitation devrait rendre l’alerte des secours plus précoce ;
  • Des feux majeurs d'entrepôts ont marqué l'année 2012 dans les communes de La Courneuve, Orly et Gagny ;
  • Des 30 plans rouges traités mentionnons celui de la rue Lesage à Paris XXe le 27 mai et celui de la rue Gabriel Péri à Saint-Denis (93) le 9 octobre.

 

Ces chiffres peuvent être traduits en matière de résultats par les assureurs !

 

 

Pour se faire, l'entreprise s'organise, fait appel, mobilise et consomme des ressources (matérielles, humaines, financières, immatérielles et informationnelles).

 

Le général commandant la BSPP dispose d’un budget spécial conçu l’année (n-2) et voté par le conseil de Paris en décembre de l’année (n-1) et mis en place en janvier de l’année (n). Ce budget est soumis à un contrôle de gestion. Régies par le code des collectivités territoriales, les dépenses de la BSPP figurent au budget spécial de la ville de Paris. Il s’organise autour de deux types de dépenses :

  • Les dépenses de fonctionnement, pour un budget de 323 millions d'euros : 25,4 % de la ville de Paris, 24,4 % de l'État, 21,1 % des communes, et 29,1 % des trois départements.
  • Les dépenses d'investissement pour un budget de 18 millions d'euros : 15 % de reversement de la TVA, 21 % de la ville de Paris, 25 % des trois départements, et 39 % des 123 communes de la petite couronne.
  • Le ministère de la Défense prend à sa charge le paiement des retraites des militaires de la Brigade, le coût de la formation des officiers mis à disposition et les frais de transport.
  • Deux fois par an, la commission consultative de gestion de la Brigade se réunit afin de voter le budget. Le général rend compte de l'emploi des ressources mises à sa disposition et des résultats de l'institution, notamment en matière de qualité de service rendu. Cette commission présidée par le préfet de Police rassemble des représentants des collectivités territoriales défendues par la BSPP.

 

L'entreprise exerce son activité en s'adaptant à un contexte précis auquel elle doit s'adapter : un environnement plus ou moins concurrentiel, une filière technico-économique caractérisée par un état de l'art, un cadre socioculturel et réglementaire spécifique, ainsi qu'un éventuel impératif de niveau de rentabilité plus ou moins élevé.

 

Un environnement plus ou moins concurrentiel…

 

Pour la lutte contre les feux, nous sommes en situation de monopole !

Pour le secours à personne, s'agissant du contexte concurrentiel auquel elle doit s'adapter, force est de constater que nous sommes plutôt dans une situation de repli de la concurrence ! La loi Matteï de 2004 a marqué la fin de l'obligation de la médecine ambulatoire. SOS médecin privilégie les victimes solvables. Les sociétés privées d’ambulance préfèrent se tourner vers les activités post-hospitalières ou de taxis, voire de pompes funèbres, plus lucratives. Heureusement, les associations de secouristes bénévoles comme la Croix-Rouge, la Protection Civile et l'Ordre de Malte, viennent renforcer nos moyens particulièrement le week-end ou lors des grandes manifestations publiques.

Nous assurons la défense contre les risques d’incendie et de panique au profit d’établissements publics comme la Présidence de la république, l’Assemblée Nationale, des ministères, Défense, Intérieur, Culture et ADP pour Roissy, Orly et le Bourget. Nous pourrions être perçus dans cette configuration en position de concurrence vis-à-vis de sociétés prestataires de services. C’est ce qui fut relevé par la Cour des Comptes dans le cas de la prestation pour ADP, compte tenu de son changement de statut et du non remboursement du coût réel de la prestation.

Nous assurons aussi la défense du centre spatial guyanais au profit du CNES, et du centre d'essais missile de Biscarrosse au profit de la DGA.

Parallèlement sans « démarche marketing », notre « clientèle » augmente de 3 à 4 % par an, notamment pour le secours à victimes. Nous recevons 6 à 7000 appels par jour, mais grâce à une plate-forme d'appel efficace, nous limitons le nombre d'interventions vraiment justifiées à 1300 départs par jour. Avec la préfecture de police nous expérimentons un « débruitage » du 112 car 60 % des appels n’ont pas de caractère d’urgence : ce numéro européen est devenu celui du « j’ai d’urgence besoin de n’importe quoi ! »

 

Une filière technico-économique caractérisée par un état de l'art

 

Afin d'être au fait de l'état de l'art, nous sommes très impliqués en matière d'innovations dans le domaine tactique, comme dans celui des savoir-faire techniques. Ainsi, nous travaillons actuellement avec les constructeurs et exploitant de véhicules électriques. Nous étudions en amont les dossiers d’infrastructures des futurs « hubs » du Grand Paris. À l'international, nous avons tissé des liens avec certains grands corps urbains de sapeurs-pompiers (Pékin, Munich, Londres, Bucarest, Genève, etc.).

 

Un cadre socioculturel et réglementaire spécifique…

 

Nous cherchons à mieux appréhender, voire influencer les comportements de nos usagers. Nous menons des campagnes d’éducation des populations aux risques. Nous encadrons des jeunes de la seconde à la terminale, nous encadrons des cadets de la république ; nous accueillons des jeunes du service civique. Il s’agit de faire du citoyen le premier acteur de sa sécurité !

D’autre part, nous agissons sur l’ensemble du continuum, Prévention, Prévision, Planification, Conduite des opérations, Préparation opérationnelle, Retour d’expérience et Recherche des causes de l’incendie.

La gestion des ressources humaines occupe une place importante dans mon agenda. Comme un entrepreneur, le général commandant la BSPP, anticipe un besoin, assemble et organise les outils et les compétences nécessaires pour satisfaire ce besoin.

Le personnel de la BSPP est en effet sous statut militaire. Nous sommes donc soumis à une obligation de jeunisme, ce qui conduit à maintenir une population jeune au sein de l'institution ; la moyenne d'âge étant de 26 ans (23 ans pour les unités opérationnelles). Cela entraîne une généralisation du statut de contractuel pour le niveau d’exécution, les militaires du rang. Les 8 550 sapeurs-pompiers de Paris sont donc majoritairement en CDD. Le niveau maîtrise, sous-officier, et conception, officiers, sont majoritairement des cadres de carrière, en CDI donc.

Il faut du courage au quotidien à chaque sapeur-pompier de Paris pour assumer son statut militaire qui fait de chacun d’entre nous un serviteur généreux de la république, disponible et polyvalent. Qui au nom de cette disponibilité et de cette polyvalence assure 3 200 heures par an de service opérationnel, entretien son casernement, gère ses services, entretien ses matériels, assurant par là même, une efficience et une résilience exceptionnelles à notre Institution.
 

Nous avons donc beaucoup d’effort à faire pour recruter nos jeunes via la chaîne de recrutement des armées, prés de 1000 par an, et surtout les fidéliser au delà du premier contrat de 5 ans (taux de 60 % actuellement). Car pour que ce turn-over soit supportable et les formations dispensées rentabilisées, il nous faut conserver un sapeur au moins 8 années.

 

Compte tenu de ce statut militaire, le dialogue social prend une forme particulière à la BSPP. Le personnel est représenté par des présidents de catégorie, officiers, sous officiers et militaires du rang, élus par leurs pairs. Et cela à chaque niveau de commandement, centre de secours (55 personnes), compagnie (250 personnes), groupement (2200 personnes), et brigade (8 550 personnes). Chaque niveau hiérarchique a donc un référent, représentant d'une catégorie de personnel. Il n’est pas question de cogestion, mais de dialogue constructif, sur les problèmes statutaires de la catégorie, mais aussi les cas particuliers. Des commissions participatives existent aux différents niveaux. Lors des inspections inopinées du général adjoint, des tables rondes sont organisées avec le personnel. La BSPP est représentée au conseil supérieur de la fonction militaire.

Le sapeur-pompier à Paris étant militaire, au-delà du fait qu'il n'a pas de gestion purement comptable de son temps de travail, il ne peut faire jouer le droit de retrait. C'est un peu l'esprit de notre devise, « sauver ou périr »… C’est sans doute ici que nous nous éloignons le plus du monde de l’entreprise et de la fonction publique civile !

 

Ainsi qu'un éventuel impératif de niveau de rentabilité plus ou moins élevé…

 

Aucune entreprise, même celle qui n'a pas de finalité lucrative et ne vise pas la recherche d'un profit à partager, ne peut s'exempter de l'équilibre entre le niveau de ses revenus et celui de ses charges. La brigade n’y échappe pas. Le plan d'action structurel 2011-2015 en cours de mise en œuvre a été élaboré dans le strict respect d'une enveloppe budgétaire contrainte. Ainsi, les redéploiements de moyens vers l'opérationnel se font grâce à une optimisation de l'organisation des moyens de soutien logistique.

Cela, y compris en matière de masse salariale. La fongibilité asymétrique de la masse salariale permet par ailleurs de transférer vers le budget de fonctionnement une partie des sommes non dépensées annuellement.

Même si nous devons garder à l’esprit que nous sommes comptables de la continuité et de la qualité de la prestation de service public, que nous sommes l’ultime recours pour nos concitoyens quand individuellement ou collectivement, un drame les frappe, la dimension économique de notre prestation est bien prise en compte. A titre d’exemple, nous avons calculé qu’une intervention secours à victime, qui dans le cadre de la médecine ambulatoire avait un coût de 66 euros, coûtait au contribuable 240 euros aujourd’hui quand une ambulance, avec un équipage de 3 sapeurs pompiers, se déplaçait. Or, avec la flotte actuelle d'ambulances, nous étions contraints de faire intervenir des engins d'incendie à huit sapeurs-pompiers pour répondre, faute d'ambulance disponible, dans les 10 minutes : coût 704 euros, plus les 240 euros pour l'ambulance qui ensuite évacuait la victime ! Ce système, qui peut être admis exceptionnellement pour des pics d'activité, ne peut plus l'être quand les engins d'incendie passent 25 % de leur activité opérationnelle à faire du secours à victimes. Nous avons donc entrepris dans le cadre du plan d’action 2011-2015 un redéploiement de moyens ambulanciers, isopérimètre en personnel.

Définitivement la Brigade de sapeurs pompiers de Paris n’est pas une entreprise comme les autres et à certains titres, pas une entreprise du tout ! Mais cela n’exempte pas son chef de penser sa mission comme un entrepreneur…

 

Gilles Glin

Commandant de la BSPP

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