On ne le dit pas suffisamment : nous sommes la première génération à ne pas avoir souffert de famine... dans l'histoire de l'humanité ! Et jamais nos aliments n'ont été aussi sains. Il suffit d'ouvrir un livre de cuisine du XIXe siècle pour voir des paragraphes consacrés à la détection du frelatage du sucre par le plâtre, du lait coupé à l'eau, du café coloré par du jus de purin (sic!)...
Pourtant, pas une journée ne se passe sans que la presse ne fasse état de problèmes à propos de l'alimentation. OGM, perturbateurs endocriniens, pesticides, affaire de la viande de cheval ces derniers jours... Tout y passe.
Mais les chimistes honnêtes savent bien que nos aliments sont bien plus sûrs qu'ils ne l'ont jamais été.
Cela ne veut pas dire que des progrès ne peuvent être faits, mais il faut quand même s'interroger : pourquoi lutter contre des résidus de pesticides quand les citoyens fument, ou, plus simplement et généralement, quand ils cuisent les aliments au barbecue, en été ? Pourquoi lutter contre les pesticides quand 99 % des pesticides sont d'origine naturelle (les plantes se protègent naturellement des insectes qui les attaquent à l'aide de composés qui ne sont pas spécifiques) ? Pourquoi vouloir manger des acides gras oméga 3, ou 6, quand, à l'heure du goûter, on se gave de chocolat, lequel est fait de 50 % de gras (on ne lui demande alors plus quels résidus d'acides gras il contient) et de sucre ?
Dans une politique alimentaire fondée sur la raison (on a le droit de rêver), il est légitime de se préoccuper du gros avant du détail. Le gros, c'est que rien n'est « bon pour la santé », et que nous devrions réduire un peu notre consommation, faire plus d'exercice, éviter les comportements à risque.
Nous devons balayer devant notre porte : nous devons régler nos réfrigérateurs à 4 degrés, et non à 8 comme ils le sont très généralement. Nous devons apprendre à comprendre ce que nous mangeons, afin de ne pas mener de mauvais combats, mais, au contraire, mettre le doigt sur les vrais risques.
Puisque le mot « risque » est lâché, nous ne devons d'ailleurs pas confondre le risque avec le danger : le monde est dangereux à chaque coin de rue. Un couteau est dangereux... mais il ne présente pas de risque s'il est dans un tiroir fermé à clé. Idem pour les « composés ». Au fait, vous qui vous intéressez à la question de la sécurité des aliments, savez-vous la différence entre une molécule, un composé, un produit chimique, un produit de synthèse?
Nous devons enfin comprendre que la nature n'est pas bonne (raison pour laquelle je suis particulièrement heureux que nous ayons en 2013 une année Diderot plutôt qu'une année Rousseau), et que nos aliments sont tous artificiels. L'artificiel, c'est ce qui est produit par le travail de l'artisan, de l'artiste, le résultat du « faire ». Nous ne mangeons aucun aliment naturel, et c'est en le comprenant bien, en l'enseignant dès l'école, que nous avons une chance de réconcilier le public avec son alimentation !
D'autant que la question de la cuisine, ce n'est pas la technique, mais l'art et le lien social.
On cuisine pour autrui : n'est-ce pas une activité merveilleuse ?
Physico-chimiste
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