C’est un mouvement profond mais qui s’est accéléré ces dernières années face au tsunami numérique : le marché du travail et les formes d’emploi ont tout simplement éclaté. Amorcé dès la crise des années 70, cet éclatement s’est accéléré après la crise économique qui dure depuis 2008.
L’existence des travailleurs indépendants n’est pas nouvelle et remonte aux origines du travail, mais ce statut d’emploi est longtemps resté cantonné à certains secteurs ou certaines professions ; il n’a commencé à se disséminer dans toute l’économie qu’avec la mise en place récente de nouvelles formes d’emploi. Ces formes ne vont pas faire disparaître le salariat, mais elles risquent de le mettre à l’écart et de le cantonner aux marges de la société.
Depuis la micro-entreprise et les sociétés unipersonnelles apparues dans les années 90, l’auto-entrepreneur né en 2009, les formes d’activité indépendantes se multiplient. Pourtant, ces formules restaient incomplètes pour tous ces travailleurs autonomes: elles déléguaient à l’indépendant qui créait son activité tous les risques de l’entrepreneur. Il devait sauter sans filet social dans le grand bain entrepreneurial.
Ce fut une respiration pour les profils habitués à se mouvoir dans les arcanes économiques, pour les profils ayant la fibre commerciale et une certaine témérité. Pourtant, pour plein d’autres profils, il manquait un parachute social pour sécuriser leur envie de se lancer, sans avoir à tout risquer.
Le portage salarial est venu apporter une réponse complète à ce besoin. Cette nouvelle forme d’emploi qui a connu une clarification juridique récente grâce à une ordonnance du Gouvernement du 2 avril 2015 s’adapte à cette double aspiration, bien française.
Bien loin d’une forme d’emploi théorique, c’est une réponse à une situation que pourrait vivre une personne bien réelle. Prenons, Michel 52 ans, ingénieur dans une importante société industrielle, dont l’activité est fortement menacée et qui commence à ressentir l’angoisse du vide, du chômage.
La véritable solution pour sécuriser sa situation professionnelle sera de se concentrer sur les passerelles, sur les solutions de transition professionnelle et anticiper les conséquences humaines des mutations économiques1. Nous pourrions proposer à Michel de l’accompagner vers de nouvelles formes d’emploi pour maintenir son employabilité mais aussi et surtout sa confiance en l’avenir.
Il rejoindrait ainsi la cohorte de ces centaines de milliers d’entrepreneurs-salariés, de salariés portés qui proposent tous les jours aux entreprises leur expertise dans un rapport moderne de collaboration.
Au XXe siècle, face à des parcours discontinus, les salariés ne doivent plus avoir peur du vide et les pouvoirs publics doivent leur bâtir de solides passerelles entre deux métiers ou deux statuts.
La souplesse dont ont besoin les entreprises mais aussi les salariés doit devenir un enjeu de tous plutôt qu'un combat des uns contre les autres !
En adoptant récemment une ordonnance qui sécurise le recours au portage salarial, le Gouvernement a pris les devants et rassuré tous ces experts désireux d’exercer en indépendant. Cet encadrement est une victoire de la vie économique réelle sur le cadre juridique qui concevait mal que le contrat de travail ne soit pas lié à la subordination.
Si son employeur annonce à Michel la prochaine fermeture de l’usine, celui-ci sait déjà qu’un nouveau métier ou de nouvelles missions l’attendent au sein d’une entreprise dans sa région. Plus d’angoisse si ce n’est celle d’une nouvelle vie.
Michel sera devenu entrepreneur-salarié, autant l’un que l’autre ! Et si c’était la véritable innovation sociale ?
1Selon un récent sondage de la Fondation ITG Travailler autrement, vers les nouvelles formes d’emploi, les salariés français sont lucides sur la question: 93 % des cadres estiment que « chacun connaîtra dans sa vie professionnelle plusieurs transitions et reconversions ».
par Patrick Levy-Waitz,
Président d’ITG (Groupe Missioneo)
Président de la Fondation ITG
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