Nous voyons les douleurs de l’accouchement d’une nouvelle société. Chacun doit s’adapter, changer de chemin, de métier tout au long de sa vie, devenir autonome. Ça donne le vertige ! Je ne suis pas dépaysé, j’ai fait plusieurs rebonds moi aussi, et ce sera le sort de beaucoup d’entre nous, surtout des plus jeunes. Avec les mutations de la société aujourd’hui, nous vivons peut-être la fin d’un modèle fondé sur la consommation et le gaspillage.
D’où le désarroi entre intégrisme du repli sur soi et ouverture à la citoyenneté planétaire. Face à cet antagonisme, il existe, je crois, une sortie par le haut : c’est la réponse de la croissance verte. C’est, par exemple, proposer à notre société une nouvelle croissance en décidant de revoir son mode de développement et d’explorer de nouveaux chemins.
Grâce à la créativité des ingénieurs et le talent des entrepreneurs, nous passons à la civilisation de l’autonomie, du partage, de la simplicité, de la rigueur, du recyclage mais aussi du virtuel, du numérique et des réseaux.
Nous devons apprendre à devenir autonomes. Plutôt que d’obliger les promoteurs à construire des parkings, proposons-leur de faire des bâtiments producteurs d’énergie et de créer des jardins ouvriers. Ecologisons le patrimoine bâti. Développons les voitures hybrides et électriques, le covoiturage. Au lieu de garages, pourquoi ne pas proposer des conseillers pour aider les gens à réparer leur voiture ? Au lieu de jeter, apprenons à réparer, réemployer, à recycler.
L’écologie est, selon moi, la réponse pour réapprendre aux sociétés la maîtrise de leur destin dans une perspective de post-consommation. « Le développement soutenable, c’est l’utilisation des capacités illimitées de notre cerveau au lieu des ressources limitées de notre Terre ».
Nous rentrons dans le quatrième âge de l’écologie. Après l’écologie naturelle des scientifiques, l’écologie urbaine des militants, l’écologie industrielle de Rio, voici l’ère de l’écologie pragmatique : celle du consensus nécessaire et volontaire de la société civile, à l’image du dernier Grenelle de l’environnement, où 268 engagements ont été pris dans différents domaines avec des résultats réels sur l’économie de notre pays.
La catastrophe de Fukushima a obligé les industriels à faire des efforts d’innovation en matière d’économie et d’énergie alternative. Il nous faut inventer de nouveaux rapports sociaux, de nouveaux lieux sociaux, en s’appuyant sur des mouvements sociaux originaux. Un nouveau regard sur le monde !
La nature forme un système complexe dans lequel toutes les parties sont liées. Nous nous en sommes aperçus le 21 juillet 1969, quand nous avons vu le clair de terre, ce petit point de vie au milieu du cosmos. Nous allons donc vers une nouvelle alliance entre les hommes et la planète pour la sauvegarde des deux partenaires, ni les hommes avant la planète, ni la planète avant les hommes. Le problème « écologique » est donc aussi théologique.
Si je n’ai pas de solution miracle pour faire avancer cette prise de conscience, le philosophe Marshall McLuhan nous donne peut être une piste sur laquelle méditer : « Nous ne sommes pas seulement les passagers du vaisseau spatial Terre, nous en sommes aussi l’équipage ».
Alain Mamou-Mani
Producteur et Auteur
Extrait de son discours prononcé lors de la cérémonie de décoration d’Officier de l’ordre national du mérite, le 22 novembre 2012.
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