Soyons honnête : la crise sanitaire de la Covid-19 par sa durée, son ampleur et son impact sur l’économie mondiale n’a pas d’équivalent dans l’histoire récente. Elle a généré des peurs, légitimes ou amplifiées, des replis sur soi, consentis ou imposés, mais aussi fait naître de nouvelles solidarités (entre familles, entre habitants des mêmes quartiers, entre catégories de salariés, etc.).
Un retour sur l’évolution du comportement des Français pendant la crise sanitaire nous apporte un certain nombre d’éclairages. Nous avons à dessein retenu trois moments clés de la crise sanitaire : l’entrée en confinement, la sortie du confinement, et un mois après la fin du confinement, car cet événement restera un des marqueurs de la COVID-19.
Pendant trois mois, Promise Consulting a mesuré dans plusieurs pays industrialisés, dont la France, un indice de reprise. Pour le construire, nous avons calibré la fréquence de consommation ou d’usage des Français dans une dizaine de secteurs clés, marchands (alimentaire, beauté, vêtements, luxe, etc.) ou non marchands (culture, déplacements, etc.). Nous avons ensuite interrogé tous les 15 jours un échantillon représentatif de 800 foyers sur deux critères clés : le taux de ralentissement de chaque activité, et la probabilité envisagée d’un retour à la « normale » dans les deux prochaines semaines. Ces trois mesures nous ont permis de calculer un indice de reprise, que pondèrent l’activité pré-COVID et le ralentissement relevés dans chaque foyer.
La lecture des résultats comparés entre les trois vagues fournit plusieurs enseignements.
• En premier lieu, l’impact du confinement. Il fût double : une contraction forte des achats dans de nombreux secteurs, y compris l’alimentaire, mais également, une baisse notable du moral avec une proportion élevée de Français qui ont douté de retrouver rapidement leur niveau de consommation, ou leur rythme d’activités passées. La perspective d’une reprise rapide de la consommation s’est comme effondrée après deux mois de « liberté conditionnelle ». Début mai, plus d’un Français sur deux doutaient d’un retour rapide à la normale : 64 % pour les achats de luxe, 60 % pour les sorties aux restaurants, 59 % pour les visites de centres commerciaux, 56 % pour les achats de cosmétiques, mais également 56% pour les achats de vêtements, et 36 % pour les achats alimentaires. Deux explications à ce phénomène. La brutalité et le caractère inédit du confinement dans sa durée et son ampleur, ont marqué les esprits, alors que les Français sont entrés en confinement « la fleur au fusil », et quasiment du jour au lendemain.
• En second lieu, le déconfinement. Il a été et demeure encore très progressif, avec une incertitude forte sur le calendrier de réouverture de certains commerce, lieux culturels, espaces de loisirs, liberté de circulation élargie. Ceci, ajouté aux incertitudes économiques, explique en grande partie une chute brutale du moral des Français début mai 2020 et une reprise timide de la consommation, alors que le taux d’épargne n’a lui jamais été aussi élevé.
Un mois après la sortie du confinement, la situation a-t-elle évoluée ? La reprise constatée entre la vague 2 et 3 est certaines pour huit des dix activités étudiées : les Français sont désormais plus nombreux qu’ils ne l’étaient début mai à envisager un retour à la normale de leur consommation ou de leurs pratiques sociales et culturelles dans les 15 prochains jours. Pour autant, la reprise est encore fragile et non constatée pour les achats de luxe et les déplacements à l’étranger.
Que faut-il en conclure ? Le caractère inédit de la crise sanitaire, et de la crise économique qui en est la conséquence, rend certes difficile toute prévision. Pour autant, une crainte émerge, celle d’un retour (trop) progressif à la normale. La plongée brutale dans la crise, de l’aveu d’Esther Duflo (prix Nobel d’économie) n’est pas nécessairement « le pire des scénarii ». En revanche, une reprise très lente et décalée par rapport aux autres économies mondiales (ce que les économistes appellent une courbe en forme de « coque de bateau »), pénaliserait fortement notre pays par rapport aux autres pays industrialisés, favorisant les rachats de sociétés fragilisées sur leur besoin en fond de roulement, et peut-être demain sur leur fond de roulement, si les clients ne reviennent pas très vite.
Aujourd’hui, deux types de profils d’entreprises se dégagent :
• Les entreprises qui sont restées ouvertes pendant le confinement, et dont la reprise d’activité dépend essentiellement du rétablissement de la consommation dans les semaines qui viennent. Ces entreprises sont en effet restées opérationnelles pendant toute la durée de la crise sanitaire. Pour elles, la priorité pour ces entreprises porte sur des mesures d’incitation forte à consommer des ménages dans les mois qui viennent. Le courant Keynésien pourrait opérer un retour en forces dans les politiques publiques.
• Les entreprises, nombreuses dans les secteurs clés de l’hôtellerie, de la restauration, du tourisme, des transports mais également de l’industrie, qui ont totalement arrêté leur activité pendant le confinement et donc la reprise d’activité est conditionnée par un retour des salariés à leurs postes et des clients sur les lieux de vente. Dans certains secteurs clés des achats courants (alimentaire, vêtements, loisirs, beauté, hygiène etc.), voire des ceux qui le sont moins (automobiles, produits bruns et blancs, mobilier, luxe, etc.) ou des services (restauration, hôtellerie, tourisme), les consommateurs ont pu changer leurs habitudes d’achat (choisissant l’achat en ligne, par exemple) ou leurs priorités. Pour ces entreprises, les plus nombreuses, la reprise ne peut être que très progressive, et sera conditionnée par une « conjonction d’astres » plus complexe à obtenir.
Affaire à suivre donc.
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